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Un entrepreneur "immigrant", pas si différent que ça

Habib Abi Khalil Crédits photo : Michael Pineault

Quand j’ai émigré de France pour immigrer au Canada, c’était plutôt un choix personnel, une décision familiale pour aller vivre une nouvelle aventure, autre part.

Notre choix est tombé sur le Québec. On parle français « icitte ». Ça tombe bien, nous aussi. Nos enfants ne seront pas dépaysés. La qualité de vie correspond à ce que nous recherchions. Les gens sont accueillants et la nature est partout. On parle même anglais! Ça c’est bon pour faire du business à l’international.

Quelques mois après notre arrivée, j’ai lancé mon entreprise de consulting en commerce et marketing digital. Je suis un entrepreneur et je voulais recréer ici l’équivalent de ce que j’avais en France.

Qu’est-ce qui peut être « vraiment » différent, me dis-je?

Quand on décide de partir s’installer dans un nouveau pays, on arrive avec une image « préconçue » du lieu de destination pour le faire correspondre à ce que « nous recherchons » pour nous et notre famille. Et on est également accueillis avec une image « préconçue » sur nous en fonction de notre lieu de provenance.

Avec mon premier client, j’ai découvert que le business ici ne se fait pas comme à « mon habitude ». Il y a des similarités mais les lois et les règles sont un peu différentes. Je passais mon temps à faire des comparaisons pour m’accrocher à quelque chose de familier, histoire de ne pas me sentir perdu.

Je ne voulais pas montrer aux autres que j’étais « différent ». Il fallait que je m’intègre. Je n’avais personne d’autre que ma femme pour lui confier mes émotions et mes états d’âme. Et même à elle, je ne pouvais pas tout confier non plus.

La réalité est que nous ne sommes plus « les touristes », plus maintenant. Nous sommes devenus « les habitants ». Il y a beaucoup de choses à apprendre et à assimiler en très peu de temps que ce soit sur le plan personnel (ex: amis, école, administration) ou professionnel (ex: réseau, travail, visibilité). Les deux sont étroitement liés. Il nous faut construire de nouveaux repères et vite.

Je vous laisse imaginer la pression engendrée pour trouver l’équilibre à s’intégrer dans une nouvelle culture sans pour autant abandonner la sienne. C’est une question identitaire cruciale.

Quand j’ai pris ma décision de devenir mentor, c’était dans un but bien précis : « partager mon expérience » pour qu’elle serve d’une façon ou d’une autre dans le cheminement de certains. C’est un devoir que nous devons tous avoir envers les autres et envers nous-même également.

« Le plus important n’est pas ce que nous savons, mais ce que nous faisons avec notre savoir »

Chaque entrepreneur, dépendamment de son expérience et son vécu, affronte des défis et des moments émotionnels divers. Personnellement, je compare les émotions d’un entrepreneur à une action en bourse, elle fluctue d’un extrême à un autre en très peu de temps.

Maintenant, prenez le cas d’un entrepreneur « immigrant ». Tous les immigrants n’ont pas eu « le choix » d’immigrer. Chaque immigrant a sa propre histoire et son propre vécu. Certains sont même devenus entrepreneurs par nécessité de survie.

En tant qu’immigrant, nous vivons à travers le regard des autres. Nous pouvons vivre une période de doute, une perte de confiance en soi, en l’autre. On peut se sentir souvent seul, perdu et on ne trouve plus notre place dans une société de préjugés.

Un mentor ne juge pas et se doit d’être ouvert d’esprit. Il est important de prendre cet élément en compte. Questionner oui, mais s’intéresser à l’histoire et au vécu de son mentoré, est encore mieux. Écouter pour mieux comprendre, comprendre pour mieux accompagner.

Un mentor n’est pas un ami mais reste quand même un humain. Il devient malgré lui et aux yeux de son mentoré, une référence ou un lien « sûr » connectant l’entrepreneur « immigrant » à son nouveau chez lui. Il convient au mentor de faire la part des choses.

Une dyade est avant tout une aventure humaine, riche en expérience et en découverte, tant pour le mentoré que pour le mentor lui-même. C’est une relation de confiance qui se tisse avec le temps : avoir confiance en son mentor pour se confier et retrouver confiance en soi.

In fine, un entrepreneur « immigrant » n’est ni un étranger ni un extra-terrestre. Il est tout simplement un être humain qui cherche à trouver sa place dans son nouveau monde et se construire une nouvelle vie.