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Danièle Henkel croit à l'écoute

Danièle Henkel
Danièle Henkel

Femme au parcours fascinant, qu'elle a raconté dans son autobiographie «Quand l'intuition trace la route» (aux Éditions La Presse), Danièle Henkel s'est taillée une réputation d'entrepreneure au fil des ans.  Son passage pendant cinq saisons à l'émission «Dans l'oeil des dragons», sur les ondes de Radio-Canada, l'a fait découvrir au grand public alors que le monde des affaires la connaissait déjà bien.  Sa douceur, son élégance, son écoute sont ses marques de commerce.

Lorsqu'on lui demande ce qui manque aux femmes entrepreneures, qui sont aujourd'hui davantage des travailleuses autonomes, pour se propulser à un autre niveau, Danièle Henkel répond que, dès qu'une femme quitte la sécurité d'emploi, elle devient déjà une entrepreneure. 

«Les femmes sont plus prudentes, elles vont y aller par étapes, estime-t-elle.  Elles vivent rarement dans l'impulsion, se disant : je pars, je prends un local.  Certaines le font, mais elles ne représentent pas la majorité.  Elles se montrent très conscientes de leur environnement, parce qu'elles sont mamans, conjointes ou pas, sœurs, et elles se demandent si, en se lançant en affaires, elles vont faire du tort ou non à leur entourage, se demandant si elles vont pouvoir tout mener de front.  Elles vont y réfléchir à 52 fois plutôt qu'une.»

Toutefois, Danièle Henkel affirme qu'une femme entrepreneure, c'est comme n'importe qui et qu'il faut arrêter de dire qu'elles ne sont pas comme les hommes.  Évidemment, une femme va penser et agir de façon différente.  D'ailleurs, elles sont différentes, il faut qu'elles l'acceptent.  «Elles se montrent plus prudentes, plus émotives, MAIS – et je le dis en majuscules – cela n'enlève rien à nos capacités et à nos compétences, insiste-t-elle.  La femme qui prend des décisions en affaires le fait pour des raisons qui s'avèrent les siennes.  Elle prend des risques, prend ses propres décisions et est imputable.»  Danièle Henkel voit avec une grande joie que de plus en plus de femmes se lancent en affaires.  Elles vivront des défis et des échecs, comme les hommes en somme.

Les femmes n'aiment pas la controverse, la chicane, les batailles, avance-t-elle.  Dans leur vie personnelle, tout n'est pas toujours rose, mais elles s'en sortent.  On voit de plus en plus de femmes modèles, auteures, conférencières, pour celles qui ont envie de le faire.  Il faut continuer de parler, sans jamais exclure les hommes, car, lorsque l'on exclut quelqu'un, on crée de la dissension.  «Je veux inclure les hommes dans tout, qu'il s'imprègnent, qu'ils comprennent, dit-elle.  Il y a une complémentarité, nous ne sommes pas l'un contre l'autre, mais l'un avec l'autre.  Vive la différence!  La femme est le plus beau joyau que la terre porte, parce qu'elle donne la vie et ça, on nous l'envie, car cela nous donne un pouvoir immense.»

Il faut dire que le fruit n'est pas tombé loin de l'arbre.  La mère de Danièle Henkel était elle-même entrepreneure, à une époque – les années 1950 – et dans un milieu – le Maroc – où les femmes n'avaient pas la place dans la société qu'elles ont aujourd'hui.  Éliane Zenati dirigeait un empire de boulangerie-pâtisserie dont elle avait hérité.  Elle perdra tout au nom de la loi marocaine patriarcale et se relèvera, en ouvrant, avec son conjoint, un garage.  «Elle m'a appris la fierté, la ténacité, confie-t-elle.  Je l'ai vu souffrir, mais malgré cette souffrance, elle apportait la beauté, elle avait la capacité de croire que des jours meilleurs arriveraient.  Elle avait un coeur d'enfant.  Nous avons beaucoup ri ensemble.»  La fille apprend de sa mère à croire en l'humain, malgré tout, et d'être toujours redevable de ses gestes et ses paroles.

Danièle Henkel croit profondément à l'écoute, un outil primordial dans le monde des affaires.  Elle-même se montre à l'écoute de ceux qui l'entourent, qu'ils soient ingénieurs, architectes et femmes.  C'est ainsi qu'elle a beaucoup appris.  «J'ai eu accès à toute une panoplie de gens et j'avais le goût d'apprendre, dit-elle.  Aujourd'hui, je vais de ville en ville et je partage.»  Dans les jalons importants pour devenir entrepreneur ou entrepreneure, elle croit qu'il faut d'abord avoir une idée.  Puis, on la couche sur papier et on la structure pour qu'elle devienne un projet.  «Il faut se poser les bonnes questions, explique-t-elle.  Est-ce que j'ai les bons outils?  Est-ce qu'il y a un besoin sur le marché?  Il faut tester.  Ensuite, il faut se demander si on possède les moyens financiers, comment on va se structurer.  On peut se dire : je vais prendre 5 000 $ ou 10 000 $ et je vais aller où avec ça?  Il est important de faire des tests de marché, cela va éviter bien des déceptions.  Puis, il faut voir qui sont nos partenaires clés : les financiers, les comptables, les avocats, les fournisseurs.  Il existe des outils gratuits, il faut aller les chercher.  Nous ne sommes pas assez curieux et informés.  Il faut d'abord défricher le terrain qui peut être magnifique, mais anarchique.»

On le sait, Danièle Henkel est très attachée à sa famille, à ses enfants, qui travaillent d'ailleurs à ses côtés.  Elle a pu compter sur eux pendant les années où elle fut fort occupée comme dragonne.  «Ils ont tenu le fort, lance-t-elle.  Ils ont de la volonté, des valeurs intrinsèques.  Je veux qu'ils sachent en quoi ils croient, eux, et comment ils vivent cela à travers l'entreprise.  Ils sont donc importants, parce qu'ils reflètent ce qu'ils sont dans l'entreprise, la persévérance, l'entraide, le partage.  Je suis très fière de mes enfants, ils représentent ma plus grande réussite, avec mes petits-enfants.»

Auteure : Sophie Bernard