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Les conversations difficiles : un mal nécessaire

Une gracieuseté de

 

Tenté de cacher les conversations difficiles sous le tapis? C’est une mauvaise idée, selon les experts, puisque cela pourrait affecter non seulement votre crédibilité, mais aussi le climat dans votre équipe. Heureusement, il est possible de rendre ces discussions constructives.

«Les conversations difficiles, c’est souvent l’une des raisons pour lesquelles les personnes refusent les postes de gestion», constate Isabelle Lord, CRHA, présidente de Lord Communication managériale. En effet, entre les problèmes d’attitude, de performance, les changements organisationnels ou les congédiements, c’est un passage obligé pour quiconque s’occupe d’une équipe. Pour la spécialiste, qui offre des formations à ce sujet, il faut avoir Le Courage de dire, titre d’un ouvrage qu’elle a publié à ce sujet.

Le problème, c’est que certains vont plonger à chaud, en improvisant. Or, c’est tout l’inverse de ce qu’il faut faire, selon elle. «Mener ce type de conversation n’est jamais facile. Mais si on sait sur quoi se préparer, si on comprend quel sera le déroulé de la conversation, on se sentira mieux outillé, et donc plus à l’aise.»

La première étape consiste à prendre conscience de son état mental, souligne Isabelle Lord. «J’aborde cette conversation avec quelle émotion? Souvent, on oublie de faire cette réflexion et on pense seulement à l’autre.» Cela permet d’éviter de tomber dans le piège de l’émotivité. Ensuite, elle suggère de réfléchir à la réaction possible de l’autre, aux questions qu’il pourrait vous poser. De la même manière, il faut définir son intention pour la rencontre. Cela permet ainsi de ne pas perdre le fil en cours de route.

Pour être bien préparé, il vaut mieux traduire ses impressions en faits observables, sans quoi la personne pourrait avoir l’impression d’être jugée et se mettre sur la défensive. «Si on trouve qu’une personne est bête, qu’est-ce que cela veut dire au juste?», donne en exemple Jean Poitras, professeur titulaire au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal. Est-ce que cela signifie qu’il coupe la parole aux autres, qu’il ne salue jamais personne ou qu’il n’accepte pas les idées de ses coéquipiers?

De la même manière, il vaut mieux se concentrer sur deux ou trois points à améliorer – par exemple passer saluer les collègues tous les matins ou répondre à ses courriels dans la journée pour stimuler la collaboration –, plutôt que de ratisser trop large, note Jean Poitras. Ce genre d’entretien doit aussi permettre d’amener la personne à comprendre l’impact de son comportement, comme celui de son mauvais caractère, et de se mettre à la recherche de solutions, renchérit Isabelle Lord.

Ce genre d’entretien sera plus facile à mener «s’il y a des communications régulières sur les valeurs de l’équipe, la culture souhaitée et les performances attendues», explique Édith Luc, auteure, conférencière et consultante en leadership partagé. «Le fait d’avoir des conversations fréquentes sur la performance, les résultats attendus, les indicateurs clés, et ce, même quand cela va bien, aide beaucoup à aborder la question quand on constate des changements.» Même chose pour les comportements : il faut déterminer avec son équipe les attentes, et voir comment elles s’incarnent. Devant un écart de conduite, il est ensuite possible de se référer à cette entente.

Comme un jeu vidéo

Jean Poitras conseille quant à lui de prendre une position de coach auprès du travailleur. «On pourrait lui dire, par exemple, j’ai remarqué que certaines choses fonctionnaient moins bien dans ton travail. Le but n’est pas de te faire des reproches, mais de voir avec toi comment passer au niveau supérieur.» Il est donc difficile de dire non à ce type de requête, selon lui. Une technique qu’il compare à un jeu vidéo, où le gestionnaire aide son employé à passer au prochain tableau.

Cette approche fonctionne aussi pour les problèmes d’attitude, ajoute le professeur. Dans ce cas, vous pourriez faire valoir les avantages de ce changement – à titre d’exemple, avoir un plus grand leadership dans l’équipe. Pour éviter toute réaction de défense, Jean Poitras propose aussi de mettre de l’avant que ce comportement pourrait être mal perçu au sein de l’équipe ou de l’organisation. «Cela ne sous-entend pas que la personne est mauvaise, mentionne-t-il. Et c’est rare que ça ne dérange pas quelqu’un d’être mal vu par les autres.» Il vaut mieux d’ailleurs se concentrer sur un ou deux points, plutôt que de décourager l’employé avec une longue liste d’objectifs.

Malgré tous vos efforts, l’employé sort de ses gonds? Il faut simplement lui expliquer que vous n’acceptez pas son ton, quitte à reprendre la conversation plus tard, précise Isabelle Lord. Dans certains cas, comme un congédiement, la personne peut aussi pleurer. «On va avoir tendance à la consoler, mais je suggère plutôt de la laisser seule quelques instants, le temps qu’elle se ressaisisse», souligne-t-elle. Si vous sentez que la tension pourrait grimper, c’est aussi possible de demander à un tiers – le responsable des ressources humaines par exemple – de vous accompagner, conseille Édith Luc.

Mais surtout, pour que la rencontre ne soit pas vaine, il faut savoir boucler l’entretien, en demandant à la personne quel plan de match elle prévoit mettre en place, explique Isabelle Lord. «Cela permet d’évaluer si elle a bien compris. De plus, c’est toujours une bonne idée de déterminer les prochaines étapes et de se donner une date pour une nouvelle rencontre, si un suivi s’avère nécessaire.» Car il ne faut pas oublier que c’est après cette discussion que le vrai travail commence.

Auteure

Anne-Marie Tremblay

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